QUI ETAIT ANNE CATHERINE EMMERICH ?

La plus grande visionnaire de tous les temps

 

VIE ET EVANGILE DE JESUS-CHRIST, JOUR APRES JOUR

 

TEMPS DE NOEL JOUR APRES JOUR.

 

Troixième semaine, naissance de Jésus-Christ.

Préparatifs avant la naissance.
Naissance de Jésus.
La naissance du Sauveur annoncée aux bergers.
La naissance de Jésus annoncée en divers lieux.
Les rois mages voient la naissance de Jésus.
Temps de la naissance de Jésus.
Adoration des bergers.
Installation de la sainte famille dans la grotte.
Voyage des trois rois mages à Bethléhem.
Visite des envoyés de sainte Anne.
Les cortèges des trois rois mages se rejoignent.
Visite d'émissaires d'Hérode.
Poursuite du voyage des rois mages.
Visite des gens de la vallée à la grotte de la Crèche.
Cortèges des rois mages.
Visite d'un parent de Joseph, père de Jonadab.
Préparatifs pour le sabbat.
Les rois mages font halte à un puits.
Préparatifs pour la circoncision de Jésus.
Poursuite du voyage des rois mages.

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Marie

Détail de la couverture du magazine Pèlerin n°6574 - 2008 - Bayard

 

Remarque: Le voyage des rois mages, regroupé dans un chapitre à part de l'édition originale de 1854, est restitué ici dans son ordre chronologique.

 

Samedi soir 24 novembre (12 Kislev) de l'an -5

 

annne catherine emmerich

Préparatifs avant la naissance.

Joseph alla à Bethléhem avant la fin du sabbat, et aussitôt que le soleil fut couché, il acheta quelques objets nécessaires, une écuelle, une petite table basse, des fruits et des raisins secs, qu'il rapporta à la grotte de la Crèche ; il alla de là à la grotte de Maraha et ramena la sainte Vierge à celle de la crèche, où elle s'assit sur la couverture. Joseph prépara encore des aliments. Ils mangèrent et prièrent ensemble. Il établit alors une séparation entre la place qu'il avait choisie pour y dormir et le reste de la grotte, à l'aide de quelques perches auxquelles il suspendit des nattes qu'il avait trouvées là ; il donna à manger à l'âne qui était à gauche de l'entrée, attaché à la paroi de la grotte ; il remplit ensuite la mangeoire de la crèche de roseaux et d'herbe ou de mousse, et il étendit par-dessus une couverture.

Comme alors la sainte Vierge lui dit que son terme approchait et l'engagea à se mettre en prières dans sa chambre, il suspendit à la voûte plusieurs lampes allumées, et sortit de la grotte parce qu'il avait entendu du bruit devant l'entrée. Il trouva là la jeune ânesse qui, jusqu'alors, avait erré en liberté dans la vallée des bergers ; elle paraissait toute joyeuse, et jouait et bondissait autour de lui Il l'attacha sous l'auvent qui était devant la grotte et lui donna du fourrage.

Quand il revint dans la grotte, et qu'avant d'entrer dans son réduit, il jeta les yeux sur la sainte Vierge, il la vit qui priait à genoux sur sa couche ; elle lui tournait le dos et regardait du côté de l'orient. Elle lui parut comme entourée de flammes, et toute la grotte semblait éclairée d'une lumière surnaturelle. Il regarda comme Moise lorsqu'il vit le buisson ardent ; puis, saisi d'un saint effroi, il entra dans sa cellule et s'y prosterna la face contre terre.

Je vis la lumière qui environnait la sainte Vierge devenir de plus en plus éclatante ; la lueur de la lampe allumée par Joseph n'était plus visible. Marie, sa large robe sans ceinture étalée autour d'elle, était à genoux sur sa couche, le visage tourné vers l'orient.

 

Dimanche 25 novembre (12 Kislev) de l'an -5

 

Naissance de Jésus.

 

LUC 2:7. elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire. (TOB)

 

Quand vint l'heure de minuit, elle fut ravie en extase. Je la vis élevée de terre à une certaine hauteur. Elle avait les mains croisées sur la poitrine. La splendeur allait croissant autour d'elle ; tout semblait ressentir une émotion joyeuse, même les êtres inanimés. Le roc qui formait le sol et les parvis de la grotte étaient comme vivants dans la lumière. Mais bientôt je ne vis plus la voûte ; une voie lumineuse, dont l'éclat augmentait sans cesse, allait de Marie jusqu'au plus haut des cieux. Il y avait là un mouvement merveilleux de gloires célestes, qui, s'approchant de plus en plus, se montrèrent distinctement sous la l'orme de chœurs angéliques. La sainte Vierge, élevée de terre dans son extase, priait et abaissait ses regards sur son Dieu dont elle était devenue la mère, et qui, faible enfant nouveau-né, était couché sur la terre devant elle.

Je vis notre Sauveur comme un petit enfant lumineux, dont l'éclat éclipsait toute la splendeur environnante, couché sur le tapis devant les genoux de la sainte Vierge.

Il me semblait qu'il était tout petit et grandissait sous mes yeux ; mais tout cela n'était que le rayonnement d'une lumière tellement éblouissante que je ne puis dire comment j'ai pu la voir.

La sainte Vierge resta encore quelque temps dans son extase Puis, je la vis mettre un linge sur l'enfant, mais elle ne le toucha pas et ne le prit pas encore dans ses bras. Après un certain intervalle, je vis l'Enfant-Jésus se mouvoir et je l'entendis pleurer ; ce fut alors que Marie sembla reprendre l'usage de ses sens. Elle prit l'enfant, l'enveloppa dans le linge dont elle l'avait recouvert et le tint dans ses bras contre sa poitrine. Elle s'assit ensuite, s'enveloppa tout entière avec l'enfant dans son voile, et je crois qu'elle l'allaita. Je vis alors autour d'elle des anges, sous forme humaine, se prosterner devant le nouveau-né et l'adorer.

Il s'était bien écoulé une heure depuis la naissance de l'enfant, lorsque Marie appela saint Joseph, qui priait encore la face contre terre ; s'étant approché, il se prosterna plein de joie, d'humilité et de ferveur. Ce ne fut que lorsque Marie l'eut engagé à presser contre son cœur le don sacré du Très-Haut, qu'il se leva, reçut l'Enfant-Jésus dans ses bras et remercia Dieu avec des larmes de joie.

Alors la sainte Vierge emmaillota l'Enfant-Jésus. Marie n'avait que quatre langes avec elle. Je vis ensuite Marie et Joseph s'asseoir par terre l'un près de l'autre. Ils ne disaient rien et semblaient tous deux absorbés dans la contemplation. Devant Marie, emmailloté ainsi qu'un enfant ordinaire, était couché Jésus nouveau né, beau et brillant comme un éclair.

"Ah! me disais-je, ce lieu contient le salut du monde entier, et personne ne s'en doute."

Ils placèrent ensuite l'enfant dans la crèche. Ils l'avaient remplie de roseaux et de jolies plantes sur lesquels était étendue une couverture ; elle était au-dessus de l'auge creusée dans le roc, à droite de l'entrée de la grotte, qui s'élargissait là dans la direction du midi. Quand ils eurent mis l'enfant dans la crèche, tous deux se tiennent à côté de lui versant des larmes de joie et chantant des cantiques de louange. Joseph arrangea alors le lit de repos et le siège de la sainte Vierge à côté de la crèche. Je la vis avant et après la naissance de Jésus habillée d'un vêtement blanc qui l'enveloppait tout entière Je la vis là pendant les premiers jours, assise, agenouillée, debout ou même couchée sur le côte et dormant, mais jamais malade ni fatiguée.

 

 

La naissance du Sauveur annoncée aux bergers.

Bible chandelleLUC 2:8. Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau.
9.Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte.
10.L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :
11.Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ;
12.et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
13.Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait :
14.« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »
15.Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. ». (TOB)

 

Je vis en beaucoup de lieux, jusque dans les pays les plus éloignés, une joie inaccoutumée et un mouvement extraordinaire pendant cette nuit. Je vis les cœurs de beaucoup d'hommes de bien animes d'un désir joyeux, et ceux des méchants pleins d'angoisse et de trouble. Je vis beaucoup d'animaux faire éclater leur allégresse par leurs mouvements, des fleurs relever la tête, des plantes et des arbres reprendre comme une nouvelle vie, et répandre au loin des parfums. Je vis aussi des sources jaillir de terre. Ainsi, au moment où le Sauveur naquit, une source abondante jaillit dans la grotte qui était dans la colline au nord de la grotte de la Crèche. Joseph la vit le lendemain et lui prépara un écoulement. Au-dessus de Bethléem, le ciel était d'un rouge sombre, tandis que sur la grotte de la Crèche, sur la vallée voisine de la grotte de Maraha et sur la vallée des bergers, on voyait une vapeur brillante.

Dans la vallée des bergers, à une lieue et demie environ de la grotte de la Crèche, s'élevait une colline où commençaient des vignes, qui s'étendaient de là jusqu'à Gaza. Contre cette colline étaient les cabanes de trois bergers, qui étaient les chefs des familles de pasteurs demeurant alentour. A une distance double de la grotte de la crèche se trouvait ce qu'on appelait la tour des bergers. C'était un grand échafaudage pyramidal en charpente, ayant pour base des quartiers de rocher, placé au milieu d'arbres verdoyants, et s'élevant sur une colline isolée au milieu de la plaine. Il était entouré d'escaliers, de galeries avec des espèces de tourelles couvertes, et tout était comme tapissé de nattes. Il avait quelque ressemblance avec ces tours de bois au haut desquelles on observait les astres dans le pays des trois rois mages, et cela faisait de loin l'effet d'un grand vaisseau avec beaucoup de mats et de voiles. De cette tour, on avait une vue étendue sur tout le pays d'alentour. On voyait Jérusalem et même la montagne de la Tentation dans le désert de Jéricho. Les bergers avaient là des veilleurs pour surveiller la marche des troupeaux et les avertir, en sonnant du cor, dans le cas d'une invasion de voleurs ou de gens de guerre qu'on pouvait voir de là à une grande distance.

Les familles des bergers habitaient alentour dans un rayon de plus de deux lieues ; elles occupaient des métairies isolées, entourées de jardins et de champs ; près de la tour était le lieu où ils se rassemblaient ; c'était là que se tenaient les gardiens chargés de veiller sur le mobilier commun. Le long de la colline où la tour s'élevait étaient des cabanes, et à part de celles-ci un grand hangar à plusieurs compartiments, où les femmes des gardiens demeuraient et préparaient les aliments. Je vis cette nuit les troupeaux près de la tour ; une partie était en plein air ; une autre partie était sous un hangar, près de la colline des trois bergers.

Quand Jésus naquit, je vis les trois bergers, frappés de l'aspect inaccoutumé de cette nuit merveilleuse, se tenir devant leurs cabanes ; ils regardaient autour d'eux et considéraient avec étonnement une lumière extraordinaire au-dessus de la grotte de la Crèche. Je vis aussi s'agiter des bergers qui étaient près de la tour ; je les vis monter sur l'échafaudage et regarder du côté de la grotte de la Crèche. Comme les trois bergers avaient les veux tournés vers le ciel, je vis une nuée lumineuse s'abaisser vers eux. Pendant qu'elle s'approchait, j'y remarquai un mouvement, j'y vis se dessiner des formes et des figures, et j'entendis des chants harmonieux, d'une expression joyeuse, et qui devenaient de plus en plus distincts. Les bergers furent d'abord effrayés, mais un ange parut devant eux, et leur dit :

"Ne craignez rien ; car je viens vous annoncer une grande joie pour tout le peuple d'Israël. C'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche."

Pendant que l'ange annonçait ceci, la splendeur devint de plus en plus grande autour de lui, et je vis cinq ou sept grandes figures d'anges, belles et lumineuses. Ils tenaient dans leurs mains comme une longue banderole où était écrit quelque chose en lettres hautes comme la main, et je les entendis louer Dieu et chanter :

"Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté".

Les bergers de la tour eurent la même apparition, mais un peu plus tard. Les anges apparurent aussi à un troisième groupe de bergers, près d'une fontaine située à trois lieues de Bethléhem, à l'est de la tour des bergers.

Je ne vis pas les bergers aller immédiatement à la grotte de la Crèche, dont ils étaient éloignés, les uns d'une lieue et demie, les autres du double ; mais je les vis se consulter pour savoir ce qu'ils porteraient au nouveau-né, et préparer leurs présents avec toute la promptitude possible. Ils n'arrivèrent à la crèche qu'à l'aurore.

 

La naissance de Jésus annoncée en divers lieux.

Au moment de la naissance de Jésus, mon âme fit d'innombrables voyages dans toutes les directions pour voir divers événements miraculeux qui annonçaient la naissance de notre Sauveur ; mais, comme j'étais malade et fatiguée, il me sembla souvent que les tableaux venaient à moi. J'ai vu un grand nombre de choses arrivées à cette occasion ; mais les souffrances et les dérangements m'en ont fait oublier la plupart : je ne me souviens guère que de ce qui suit.

Je vis cette nuit, dans le temple, Noémi, la maîtresse de la sainte Vierge, ainsi que la prophétesse Anne et le vieux Siméon, à Nazareth sainte Anne, à Juttah sainte Élisabeth, avoir des visions et des révélations sur la naissance du Sauveur. Je vis le petit Jean-Baptiste, près de sa mère, manifester une joie extraordinaire. Tous virent et reconnurent Marie dans ces visions, mais ils ne savaient pas où le miracle avait eu lieu, Elisabeth même l'ignorait ; sainte Anne seule savait que Bethléhem était le lieu du salut.

Je vis cette nuit, dans le temple, un événement merveilleux. Tous les rouleaux d'écriture des saducéens furent plusieurs fois jetés hors des armoires qui les contenaient, et dispersés ça et là. On en fut très effrayé ; les saducéens l'attribuèrent à la sorcellerie, et donnèrent beaucoup d'argent pour que la chose restât secrète.

(Elle raconta ici quelque chose d'assez peu clair sur les fils d'Hérode qui étaient saducéens, et qu'il avait placés dans le temple, parce qu'il était en lutte avec les pharisiens, et cherchait à prendre de l'influence dans le temple.)

J'ai vu bien des choses se passer à Rome pendant cette nuit ; mais d'autres tableaux m'en ont fait oublier une grande partie, et il est possible que je fasse quelque confusion. Voici à peu près ce dont je me souviens.

Je vis, lorsque Jésus naquit, un quartier de Rome situé au delà du fleuve, et où habitaient beaucoup de Juifs (ici, elle décrivit un peu confusément un lieu qui ressemblait à une colline entourée d'eau et qui formait une sorte de presqu'île) ; il y jaillit comme une source d'huile, et tout le monde en fut fort émerveillé.

Une statue magnifique de Jupiter tomba en morceaux dans un temple dont toute la voûte s'écroula. Les païens, effrayés, firent des sacrifices et demandèrent à une autre idole, celle de Vénus, à ce que je crois, ce que cela voulait dire. Le démon fut forcé de répondre par la bouche de cette statue :

"Cela est arrivé parce qu'une vierge a conçu un fils sans cesser d'être vierge, et qu'elle vient de le mettre au monde".

Cette idole parla aussi de la source d'huile qui avait jailli. Dans l'endroit où elle est sortie de terre, s'élève aujourd'hui une église consacrée à la Mère de Dieu.

(Sainte Marie au delà du Tibre porte aussi le nom de Sancta Maria in Fonte Olei, par suite d'une tradition conforme à cette vision de la sœur Emmerich. Note du trad.)

Je vis les prêtres des idoles consternés faire des enquêtes à ce sujet. Soixante-dix ans auparavant, lorsqu'on revêtit cette idole d'ornements magnifiques, couverts d'or et de pierreries, et qu'on lui offrit des sacrifices solennels, il y avait à Rome une bonne et pieuse femme ; le ne sais plus bien si elle n'était pas Juive. Son nom était comme Serena ou Cyrena ; elle avait une certaine aisance ; elle eut des visions à la suite desquelles elle prophétisa ; elle dit publiquement aux païens qu'ils ne devaient pas rendre de si grands honneurs à l'idole de Jupiter, ni faire de si grands frais pour elle, parce qu'elle devait un jour se briser au milieu d'eux.

Les prêtres la firent venir et lui demandèrent quand cela arriverait ; et, comme elle ne pouvait pas alors fixer l'époque, on l'emprisonna et on la persécuta jusqu'à ce qu'enfin Dieu lui fit connaître que l'idole se briserait quand une vierge pure mettrait un fils au monde. Lorsqu'elle fit cette réponse, on se moqua d'elle et on la relâcha comme étant folle. Mais lorsque le temple, en s'écroulant, mit réellement l'idole en pièces, ils reconnurent qu'elle avait dit la vérité, et s'étonnèrent seulement de ce qui avait été dit pour fixer l'époque où la chose arriverait, parce que naturellement ils ne savaient pas que la sainte Vierge eût mis le Christ au monde.

Je vis aussi que les magistrats de la ville de Rome prirent des informations sur cet événement et sur l'apparition de la source d'huile. L'un d'eux s'appelait Lentulus ; il fut l'aïeul de Moise, prêtre et martyr, et de ce Lentulus qui devint plus tard l'ami de saint Pierre à Rome.

Je vis aussi quelque chose touchant l'empereur Auguste, mais je ne m'en souviens plus bien.

Je vis l'empereur avec d'autres personnes sur une colline de Rome, à l'un des côtés de laquelle était le temple qui s'était écroulé. Des degrés conduisaient au haut de cette colline, et il s'y trouvait une porte dorée. On traitait là beaucoup d'affaires. Quand l'empereur descendit, il vit à droite, au-dessus de la colline, une apparition dans le ciel : c'était une vierge sur un arc-en-ciel, avec un enfant suspendu en l'air et qui semblait sortir d'elle. Je crois qu'il fut le seul à voir cela. Il fit consulter, sur la signification de cette apparition, un oracle qui était devenu muet, et qui pourtant parla d'un enfant nouveau-né auquel ils devaient tous céder la place. L'empereur fit alors ériger un autel à l'endroit de la colline au-dessus duquel il avait vu l'apparition ; et, après avoir offert des sacrifices ; il le dédia au premier-né de Dieu.

J'ai oublié une grande partie de tout cela. Ce fut vraisemblablement la même apparition que virent les rois mages à l'heure de la naissance de Jésus, et qui est décrite plus loin.

Je vis aussi en Egypte un évènement qui annonçait la naissance du Christ. Bien au delà de Matarée, d'Héliopolis et de Memphis, une grande idole, qui rendait ordinairement des oracles de toute espèce, devint muette. Alors le roi fit faire des sacrifices dans tout le pays afin que l'idole pût dire pourquoi elle se taisait. L'idole fut forcée par Dieu à répondre qu'elle se taisait et devait disparaître, parce que le Fils de la Vierge était né, et qu'un temple lui serait élevé en cet endroit. Le roi voulut là-dessus lui élever, en effet, un temple près de celui de l'idole. Je ne me souviens plus bien de tout ce qui arriva ; je sais seulement que l'idole fut retirée, et qu'on dédia là un temple à la Vierge annoncée et à son enfant ; on l'y honora à la manière païenne.

 

Les rois mages voient la naissance de Jésus.

Je vis à l'heure de la naissance de Jésus une apparition merveilleuse qu'eurent les rois mages. Ils étaient adorateurs des astres, et avaient sur une montagne une tour en forme de pyramide, où l'un d'eux se tenait toujours avec plusieurs prêtres pour observer les étoiles. Ils écrivaient leurs observations et se les communiquaient mutuellement. Pendant cette nuit, je crois avoir vu deux des rois mages sur cette tour. Le troisième, qui demeurait à l'orient de la mer Caspienne, n'était pas avec eux. C'était une constellation déterminée qu'ils observaient toujours ; ils y voyaient de temps en temps des changements avec des apparitions dans le ciel. Cette nuit, je vis l'image dont ils eurent connaissance. Ce ne fut pas dans une étoile qu'ils la virent, mais dans une figure composée de plusieurs étoiles parmi lesquelles il semblait s'opérer un mouvement.

Ils virent un bel arc-en-ciel au-dessus du croissant de la lune. Sur cet arc-en-ciel était assise une vierge. Son genou gauche était légèrement relevé ; sa jambe droite était plus allongée, et le pied reposait sur le croissant. Du côté gauche de la Vierge, au dessus de l'arc-en-ciel, parut un cep de vigne, et du côté droit un bouquet d'épis de blé. Je vis devant la Vierge paraître ou monter la figure d'un calice, semblable à celui qui servit pour la sainte cène. Je vis sortir de ce calice un enfant, et au-dessus de l'enfant un disque lumineux, pareil à un ostensoir vide, duquel partaient des rayons semblables à des épis.

Cela me fit penser au saint sacrement. Du côté droit de l'enfant sortit une branche à l'extrémité de laquelle se montra, comme une fleur, une église octogone qui avait une grande porte dorée et deux petites portes latérales. La Vierge, avec sa main droite, fit entrer le calice, l'enfant et l'hostie dans l'église, dont je vis l'intérieur, et qui alors me parut très grande. Je vis dans le fond une manifestation de la sainte Trinité ; puis l'église se transforma en une cité brillante, semblable aux représentations de la Jérusalem céleste.

Je vis dans ce tableau beaucoup de choses se succéder et naître, pour ainsi dire, les unes des autres pendant que je regardais dans l'intérieur de l'église dont j'ai parlé ; mais je ne me souviens plus dans quel ordre. Je ne me rappelle pas non plus de quelle manière les rois mages furent instruits que l'enfant était né en Judée.

Le troisième roi, qui demeurait à une grande distance, vit l'apparition à la même heure que les autres. Les rois éprouvèrent une joie inexprimable. Ils rassemblèrent leurs trésors et leurs présents et se mirent en route. Ce ne fut qu'au bout de quelques jours qu'ils se rencontrèrent. Dès les derniers jours qui précédèrent la naissance du Christ, je les vis sur leur grand observatoire, où ils eurent différentes visions.

Combien a été grande la miséricorde de Dieu envers les païens ! Savez-vous d'où cette prophétie était venue aux rois mages ? Je vous en dirai seulement quelque chose, car tout ne m'est pas présent en ce moment.

Cinq cents ans avant la naissance du Messie (Elie vivait environ huit cents ans avant Jésus-Christ), les ancêtres des trois rois étaient riches et puissants ; ils l'étaient plus que leurs descendants, car leurs possessions étaient plus étendues et leur héritage était moins divisé. Alors aussi ils vivaient sous la tente, excepté l'ancêtre établi à l'orient de la mer Caspienne, dont je vois maintenant la ville. Elle a des substructions en pierre au haut desquelles sont dressés des pavillons, car elle est près de la mer qui déborde souvent. Il y a des montagnes très élevées ; je vois deux mers, l'une à ma droite et l'autre à ma gauche.

Ces chefs de race étaient dès lors adorateurs des étoiles ; mais il y avait en outre dans ce pays un culte abominable. On sacrifiait des vieillards et des hommes mal conformés, on immolait aussi des enfants. Ce qu'il y avait de plus horrible, c'est que ces enfants, habillés de blanc, étaient mis dans des chaudières et qu'on les faisait bouillir tout vivants ; mais tout cela finit par être aboli. C'était à ces aveugles païens que Dieu, si longtemps d'avance, avait annoncé la naissance du Sauveur.

Ces princes avaient trois filles, versées dans la connaissance des astres ; toutes trois reçurent en même temps l'esprit de prophétie, et connurent par une vision qu'une étoile sortirait de Jacob et qu'une vierge enfanterait le Sauveur. Elles avaient de longs manteaux, parcouraient le pays, prêchaient la réforme des mœurs, et annonçaient que les envoyés du Rédempteur viendraient un jour apporter à ces peuples le culte du vrai Dieu. Elles faisaient beaucoup d'autres prédictions, même relatives à notre époque et à des époques plus éloignées. Là-dessus, les pères de ces trois vierges élevèrent un temple à la future mère de Dieu, vers le midi de la mer, à l'endroit où leurs pays se touchaient, et ils y offrirent des sacrifices. La prédiction des trois vierges parlait spécialement d'une constellation et de divers changements qu'on y verrait. Alors on commença à observer cette constellation du haut d'une colline, prés du temple de la future mère de Dieu, et d'après les observations qu'on faisait, on changeait continuellement quelque chose dans les temples, dans le culte et dans les ornements. Le pavillon du temple était tantôt bleu, tantôt rouge, tantôt jaune ou de quelque autre couleur. Ce qui me parut remarquable, c'est qu'ils transportèrent leur jour de fête hebdomadaire au samedi. C'était auparavant le vendredi ; je sais encore comment ils appelaient ce jour.

Ici elle balbutia quelque chose comme Tanna ou Tanneda, mais sans prononcer bien distinctement.

Ici il y eut dans son discours une interruption soudaine d'une nature si particulière que nous la raconterons comme propre à caractériser son état. Ce fut le 27 novembre 1821, un peu avant six heures du soir, qu'elle dit ce qui précède, étant endormie. Il ne faut pas oublier que depuis plusieurs années elle avait les pieds paralysés ; que, loin de pouvoir marcher, elle ne pouvait qu'à grand peine se mettre sur son séant, et qu'elle était alors, comme toujours, étendue sur son lit ; la porte de sa chambre était ouverte sur une pièce antérieure où son confesseur était assis, disant son bréviaire à la lueur une lampe. Elle avait dit ce qui précède avec une telle vérité d'expression, qu'il était impossible de croire que toutes ces choses ne se passassent pas devant ses yeux. Mais à peine eut-elle balbutié le mot Tanneda, que tout d'un coup la paralytique endormie sauta de son lit avec la rapidité de l'éclair, se précipita dans la pièce antérieure, et remua vivement les pieds et les mains du côté de la fenêtre comme une personne qui lutte et se détend ; puis elle dit à son confesseur :

"Ah ! le coquin ! il était bien grand, mais je l'ai chassé à coups de pied "

Après ces mot. elle tomba comme en défaillance et resta par terre en travers de la fenêtre, dans une posture grave et modeste. Le prêtre, quoique aussi étonné que l'écrivain de cet incident extraordinaire, ne lui dit autre chose que ceci :

" Au nom de l'obéissance, sœur Emmerich, retournez à votre couche. "

Aussitôt elle se releva, rentra dans sa chambre et s'étendit de nouveau sur son lit. L'écrivain lui ayant alors demandé ce que c'était que cette singulière aventure, elle raconta ce qui suit, étant bien éveillée et en pleine connaissance. Quoique fatiguée, elle parla avec l'humeur joyeuse d'une personne qui vient de remporter une victoire :

"Oui, c'était bien singulier : comme j'étais si loin, si loin dans le pays des rois mages, au haut de la chaîne de montagnes qui est entre les deux mers, et comme je regardais dans leurs villes formées de tentes de même qu'on regarde de la fenêtre dans la basse cour, je me sentis tout à coup rappelée à la maison par mon ange gardien. Je me retournai, et je vis ici, à Dulmen, devant notre maisonnette, passer une pauvre vieille femme de ma connaissance, revenant d'une boutique. Elle était exaspérée, pleine de malice ; elle grondait et jurait horriblement. Je vis alors son ange gardien s'éloigner, et une grande et sombre figure de démon se mettre en travers sur son chemin pour la faire tomber afin qu'elle se rompit le cou et mourut ainsi en état de péché. Quand je vis cela, je laissai les trois rois, priai ardemment le bon Dieu de secourir la pauvre femme, et me retrouvai dans ma chambre. Je vis alors que le diable furieux se précipitait vers la fenêtre et voulait entrer dans la chambre. ayant dans ses griffes un gros paquet de lacets et de cordes entortillées ; car il voulait, pour se venger, ourdir avec tout cela des intrigues et susciter ici toute sorte de troubles. Alors je me suis précipitée et lui ai donné un coup de pied qui l'a fait tomber en arrière ; je crois qu'il s'en souviendra. Je me suis mise en travers devant la fenêtre pour l'empêcher d'entrer ".

C'est là assurément quelque chose de très étrange ; pendant qu'elle regarde du haut du Caucase et raconte des choses arrivées cinq siècles avant Jésus-Christ comme elles se passaient sous ses yeux, elle voit en même temps le danger que court devant sa porte une pauvre vieille de son pays et s'empresse de voler à son secours. Il était effrayant de la voir se précipiter comme un squelette animé et se mettre en défense avec tant de vivacité, elle qui depuis le 8 septembre pouvait à peine faire deux pas sur des béquilles sans tomber en défaillance.

 

Temps de la naissance de Jésus.

La sœur vit dans la nuit de la Nativité beaucoup de choses touchant la détermination précise du temps de la naissance du Christ ; mais son état de maladie et les visites qu'on lui fit le jour suivant, qui était la fête de sa patronne, Sainte Catherine lui en firent beaucoup oublier. Cependant, peu de temps après, se trouvant en état d'extase, elle communiqua quelques fragments de ses visions, où il est à remarquer qu'elle voyait toujours les nombres écrits en chiffres romains, et qu'elle avait souvent de la peine à les lire ; mais elle les expliquait en répétant le nom des lettres dans l'ordre où elle les voyait ou en les traçant avec ses doigts. Cette fois pourtant elle dit les chiffres.

Vous pouvez le lire, dit-elle ; voyez, c'est marqué là.

Jésus Christ est né avant que l'an 3997 du monde fût accompli ; on a oublié postérieurement les quatre années, moins quelque chose, écoulées depuis sa naissance jusqu'à la fin de l'an 4000 ; puis ensuite on a fait commencer notre nouvelle ère quatre ans plus tard.

Un des consuls de Rome s'appelait alors Lentulus ; il fut l'ancêtre de Saint Moïse, prêtre et martyr, dont j'ai ici une relique, et qui vivait du temps de saint Cyprien. C'est aussi de lui que descendait ce Lentulus qui devint l'ami de saint Pierre, à Rome.

[Jésus est né dans la quarante-cinquième année (du règne) de l'empereur Auguste.]

Hérode a régné quarante ans. Pendant sept ans, il ne fut pas indépendant, mais il opprima déjà le pays et exerça beaucoup de cruautés. Il mourut, si je ne me trompe ; dans la sixième année de la vie de Jésus. Je crois que sa mort fut tenue secrète pendant un certain temps. Il fut sanguinaire jusque dans sa mort, et dans ses derniers jours il fit encore bien du mal. Je le vis se traîner dans une grande chambre toute matelassée ; il avait une lance près de lui et voulait en frapper les gens qui l'approchaient. Jésus naquit à peu près la trente-quatrième année de son règne.

Deux ans avant l'entrée de Marie au temple, Hérode y fit faire des constructions. Ce n'était pas un nouveau temple qu'on faisait, c'étaient des changements et des embellissements. La fuite en Égypte eut lieu quand Jésus avait neuf mois, et le massacre des innocents quand il était dans sa deuxième année.

Elle mentionna encore plusieurs circonstances et plusieurs traits de la vie d'Hérode, qui prouvaient combien elle voyait tout dans le détail ; mais il ne fut pas possible de mettre en ordre ce qu'elle avait raconté à bâtons rompus.

La naissance de Jésus-Christ eut lieu dans une année où les Juifs comptaient treize mois. C'était un arrangement analogue à celui de nos années bissextiles. Je crois aussi que les Juifs avaient deux fois dans l'année des mois de vingt et un de vingt-deux jours ; j'ai entendu quelque chose à ce sujet à propos des jours de fête, mais je n'en ai qu'un souvenir confus. J'ai vu aussi que, plusieurs fois, on fit des changements dans le calendrier ; ce fut au sortir d'une captivité, quand on travailla au temple. J'ai vu l'homme qui changea le calendrier, et j'ai su son nom.

Ou peut-être ce fut la mort du second Hérode, touchant lequel elle dit quelque chose de semblable et qu'elle paraissait confondre quelquefois avec celui-ci.

 

Remarque sur les dates proposées.

L'empereur Auguste (en latin Augustus), né sous le nom d'Octave (Caius Octavius) en septembre 63 av. J-C, est mort en 14 apr. J-C. Il est le premier empereur romain de 27 avant J-C à 14 après J-C. Il accède au pouvoir à 20 ans avec Marc Antoine et Lépide en formant le second triumvirat en novembre de l'an -43.

Sous le nom d'Hérode il faut voir Hérode le Grand, fils d'Antipater qui avait été nommé gouverneur (puis procurateur) de Judée en -47 par Jules César. Antipater, originaire d'Idumée, fut assassiné en -43. Hérode le Grand fut nommé par le second triumvirat, avec l'accord du Sénat, roi de Judée en -40, Judée dont il pris seulement possession en -37 après sa victoire sur Antigone, dernier représentant de la dynastie hasmonéenne. A sa mort en -4 , le pouvoir fut partagé entre 3 de ses héritiers avec l'accord de Rome.

Il y a un décalage entre la chronologie historique "officielle" et celle d'Anne Catherine Emmerich. En novembre de l'an -5, elle voit l'empereur Auguste dans sa 45ème année de règne alors que pour l'Histoire, il serait dans sa 39ème année de règne (à partir du triumvirat). Nous avons un décalage de 6 ans.
Pour Hérode le Grand nous retrouvons ce décalage de 6 ans. La sœur voit la mort d'Hérode dans la 6ème année de la vie de Jésus (entre novembre de l'an 1 et celui de l'an 2) alors que pour l'Histoire, il serait mort en l'an -4.

Il faut donc rester prudent avec l'Histoire, les visions et les dates proposées, mais néanmoins nous pouvons constater une certaine cohérence des dates annoncées par Anne Catherine.

 

Adoration des bergers.

Bible chandelleLUC2:16. Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire.
17.Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18.Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers.
19.Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens.
20.Puis les bergers s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé. (TOB)

 

(Le dimanche, 25 novembre). Aux premières lueurs du crépuscule, les trois chefs des bergers vinrent de la colline à la grotte de la Crèche avec les présents qu'ils avaient préparés. C'étaient de petits animaux qui ressemblaient assez à des chevreuils. Si c'étaient des chevreaux, ils différaient de ceux de notre pays ; ils avaient de longs cous, de beaux yeux fort brillants ; ils étaient très gracieux et très légers à la course. Les bergers les conduisaient avec eux attachés à des cordes menues. Ils portaient aussi sur leurs épaules des oiseaux qu'ils avaient tués, et sous le bras d'autres oiseaux vivants de plus grande taille.

Ils frappèrent timidement à la porte de la grotte de la Crèche, et Joseph vint à leur rencontre. Ils lui répétèrent ce que les anges leur avaient annoncé, et lui dirent qu'ils venaient rendre leurs hommages à l'enfant de la promesse et lui présenter leurs pauvres offrandes. Joseph accepta leurs présents avec une humble gratitude, [les aida à parquer les animaux dans une des grottes annexes dont l'entrée se situait à côté de la porte méridionale de la grotte de la Nativité] et il les conduisit à la sainte Vierge, qui était assise près de la crèche et tenait l'Enfant-Jésus sur ses genoux. [Tout en gardant leur houlette à la main, l]es trois bergers s'agenouillèrent humblement, et restèrent longtemps en silence, absorbés dans un sentiment de joie indicible ; ils chantèrent ensuite le cantique qu'ils avaient entendu chanter aux anges, et un psaume que j'ai oublié. Quand ils voulurent se retirer, la sainte Vierge leur donna le petit Jésus, qu'ils tinrent tour à tour dans leurs bras ; puis ils le lui rendirent en pleurant, et quittèrent la grotte.

(Le dimanche, 25 novembre, dans la soirée.) La sœur avait été toute cette journée dans de grandes souffrances physiques et morales. Le soir, à peine endormie, elle se trouva transportée dans la terre promise. Comme, indépendamment de ses contemplations sur la Nativité, elle avait, en outre, une série de visions sur la première année de la prédication de Jésus, et, précisément à cette époque, sur son jeûne de quarante jours, elle s'écria avec un étonnement naïf :

" Combien cela est touchant ! Je vois, d'un côté, Jésus, âgé de trente ans, jeûnant et tenté par le diable dans la caverne du désert, et de l'autre côté, je le vois, enfant nouveau-né, adoré par les bergers dans la grotte de la Crèche ".

Après ces paroles, elle se leva de sa couche avec une rapidité surprenante, courut à la porte ouverte de sa chambre, et, comme ivre de joie, elle appela les amis qui se trouvaient dans la pièce antérieure, leur disant :

" Venez, venez vite adorer l'enfant, il est près de moi ".

Elle revint à son lit avec la même vitesse et commença, le visage rayonnant d'enthousiasme et de ferveur, à chanter, d'une voix claire et singulièrement expressive, le Magnificat, le Gloria in excelsis, et quelques cantiques inconnus, d'un style simple, d'un sens profond, et en partie rimés. Elle chanta le second dessus d'un de ces airs. il' avait en elle une émotion de joie qui était singulièrement touchante. Voici ce qu'elle raconta dans la matinée suivante :

"Hier soir, plusieurs bergers, avec leurs femmes et même leurs enfants, sont venus de la tour des bergers, qui est à quatre lieues de la crèche. Ils portaient des oiseaux, des œufs, du miel, des écheveaux de fil de différentes couleurs, des petits paquets qui ressemblaient à de la soie brute, et des bouquets d'une plante ressemblant au jonc et qui a de grandes feuilles. Cette plante avait des épis pleins de gros grains. Quand ils eurent remis leurs présents à Joseph, ils s'approchèrent humblement de la crèche, près de laquelle la sainte Vierge était assise. Ils saluèrent la mère et l'enfant, et, s'étant agenouillés, ils chantèrent de très beaux psaumes, le Gloria in excelsis, et quelques cantiques très courts.

Je chantais avec eux. Ils chantèrent à plusieurs parties, et je fis une fois le second dessus. Je me souviens à peu près des paroles suivantes :

" O petit enfant, vermeil comme la rose, tu parais, semblable à un messager de paix " !

Quand ils prirent congé, ils se courbèrent au-dessus de la crèche, comme s'ils embrassaient le petit Jésus.

 

Lundi 26 novembre (13 Kislev) de l'an -5

 

Installation de la sainte famille dans la grotte.

(Le lundi, 26 novembre.) J'ai vu aujourd'hui les trois bergers aider tour à tour saint Joseph à tout disposer plus commodément dans la grotte de la Crèche et dans les grottes latérales. Je vis aussi, près de la sainte Vierge, plusieurs femmes pieuses qui lui rendaient divers services. C'étaient des Esséniennes, qui demeuraient à peu de distance de la grotte de la Crèche, dans une gorge située au levant de la colline. Elles habitaient, les unes près des autres, des espèces de chambres creusées dans le roc à une assez grande hauteur. Elles avaient de petits jardins près de leurs demeures, et instruisaient des enfants de leur secte. C'était saint Joseph qui les avait fait venir. Il connaissait cette association depuis sa jeunesse ; car, lorsqu'il fuyait ses frères dans la grotte de la Crèche, il avait plus d'une fois visité ces pieuses femmes. Elles venaient tour à tour près de la sainte Vierge, apportaient de petites provisions et s'occupaient des soins du ménage pour la sainte Famille.

(Le 26 novembre.) Je m'endormis avec un grand désir de me trouver dans la grotte de la Crèche, près de la mère de Dieu, afin qu'elle me donnât l'Enfant-Jésus, pour le tenir quelque temps dans mes bras et le serrer sur mon cœur, et j'y allai en effet.

Il faisait nuit. Joseph dormait, appuyé sur son bras droit, derrière son réduit, près de l'entrée. Marie était éveillée ; elle était assise à sa place accoutumée près de la crèche, et tenait sur son sein le petit Jésus recouvert d'un voile.

Je m'agenouillai et j'adorai avec un grand désir de voir l'enfant. Ah ! elle le savait bien ; elle sait tout et elle accueille tout ce qu'on lui demande avec une bonté si touchante, quand on prie avec une foi sincère. Mais elle était silencieuse, recueillie ; elle adorait respectueusement celui dont elle était la mère, et elle ne me donna pas l'enfant, parce qu'elle l'allaitait, à ce que je crois. A sa place, j'aurais fait comme elle.

Mon désir allait toujours croissant et se confondait avec celui de toutes les âmes qui soupiraient pour l'Enfant-Jésus. Mais cette ardente aspiration vers le Sauveur n'était nulle part si pure, si naïve et si sincère que dans le cœur des bons rois mages de l'Orient, qui l'avaient attendu pendant des siècles dans la personne de leurs ancêtres, croyant, espérant et aimant. Aussi mon désir se tourna vers eux. Quand j'eus fini d'adorer, je me glissais respectueusement hors de la grotte de la Crèche, et je fus conduite par une longue route jusqu'au cortège des trois rois.

 

Voyage des trois rois mages à Bethléhem.

(Le 26 novembre.) Sur cette route, j'ai vu bien des pays, des habitations et des gens, leurs costumes, leurs mœurs et leurs usages, et aussi quelque chose de leur culte ; mais j'ai presque tout oublié. Je raconterai comme je le pourrai ce qui m'est resté présent à la mémoire.

Je fus conduite à l'orient dans une contrée où je n'avais jamais été. Elle était presque partout stérile et sablonneuse. Près de quelques collines habitaient, dans des cabanes de branchage, de petites réunions d'hommes. C'étaient comme des familles isolées, de cinq à huit personnes. Le toit, fait avec des branches, s'appuyait à la colline, où les demeures étaient creusées. Cette contrée ne produisait presque rien ; il n'y venait que des buissons, et ça et là un petit arbre avec quelques boutons dont on tirait une laine blanche. Je vis, en outre, quelques arbres plus grands sous lesquels ils plaçaient leurs idoles. Ces hommes étaient encore très sauvages ; ils me parurent se nourrir le plus souvent de chair crue, spécialement d'oiseaux, et vivre en partie de brigandage. Ils étaient de couleur cuivrée et avaient des cheveux roussâtres comme le poil du renard. Ils étaient petits, trapus, plutôt gras que maigres, du reste adroits, lestes et actifs. Je ne vis pas chez eux d'animaux domestiques, ni de troupeaux.

[Ces gens allaient presque nus, les hommes vêtus seulement d'un pagne très court et plissé qui leur ceignait les reins, avec sur la poitrine un étroit tablier de forme rectangulaire attaché au cou ; cette pièce d'étoffe semblait élastique, car on pouvait l'étirer. Le dos était entièrement nu jusqu'à la ceinture, à l'exception des rubans de leur tablier. Ils portaient sur la tête un bonnet à brides, décoré sur le front d'une rosette ou cocarde.

Les femmes avaient de courtes jupes plissées qui leur tombait à mi-cuisses, et des pièces d'étoffe semblables au devant d'une veste qui couvrait la poitrine et dont les pans étaient attachés à la ceinture ; ce vêtement était fixé au cou par une bande d'étoffe pareille à une étole, cranté dans le dos. Elles étaient coiffées de bonnets en forme de cônes tronqués, descendant en pointe sur le front, avec des oreillettes rabattues sur les joues ; par-derrière, ces couvre-chefs s'ornaient de rubans flottants entre lesquels on voyait les cheveux, noués en chignon. La partie du vêtement qui couvrait la poitrine des femmes était bariolée, avec de multiples broderies ou surpiqûres jaunes et vertes, et de nombreux boutons. Cet ouvrage était très sommaire, comme sur nos vieux ornements liturgiques. Elles arboraient aux bras de nombreux bracelets.]

Ces gens faisaient des espèces de couvertures avec une laine blanche qu'ils recueillaient sur de petits arbres. Ils filaient avec cette laine de longues cordes de l'épaisseur du doigt, qu'ils tressaient ensuite pour en faire de larges bandes d'étoffe. Quand ils en avaient préparé un certain nombre, ils mettaient sur leur tête de grands rouleaux de ces couvertures, et allaient en troupe les vendre à une ville.

Je vis aussi en divers lieux, sous de grands arbres leurs idoles, qui avaient des têtes de taureau, avec des cornes et une grande bouche. Il y avait dans le corps des trous ronds, et en bas une ouverture plus large où l'on faisait du feu pour brûler les offrandes placées dans les autres ouvertures plus petites. Autour de chacun de ces arbres sous lesquels étaient les idoles, se trouvaient, sur de petites colonnes de pierre, d'autres figures d'animaux. Il y avait des oiseaux, des dragons, et une figure qui avait trois têtes de chien et une queue de serpent roulée sur elle-même.

Au commencement de mon voyage j'eus le sentiment qu'il y avait à ma droite un grand amas d'eau dont je m'éloignais de plus en plus. Au delà de la contrée dont je viens de parler le chemin allait toujours en montant, et je traversais une crête de montagne de sable blanc, où gisaient en grande quantité de petites pierres noires brisées, semblables à des fragments de pots et d'écuelles. De l'autre côté, je descendis dans une contrée couverte d'arbres, qui semblaient rangés dans un ordre régulier. Quelques-uns de ces arbres avaient des troncs écailleux et des feuilles d'une grandeur extraordinaire. Il y en avait, aussi de forme pyramidale avec de grandes et belles fleurs. Ces derniers avaient des feuilles d'un vert jaunâtre, et des branches avec des boutons. Je vis aussi des arbres avec des feuilles très lisses en forme de cœur.

J'arrivai ensuite dans un pays de pâturages qui s'étendaient à perte de vue entre des hauteurs. Tout y fourmillait de troupeaux innombrables. La vigne croissait autour des collines, et elle y était cultivée. Il y avait des rangées de ceps sur des terrasses, avec de petites haies de branchages pour les protéger. Les possesseurs de ces troupeaux habitaient sous des tentes dont l'entrée était fermée par des claies légères. Ces tentes étaient faites avec l'étoffe de laine blanche que fabriquaient les peuplades sauvages chez lesquelles j'avais passé. Il y avait au centre une grande tente entourée d'une quantité d'autres plus petites. Les troupeaux, séparés suivant leurs espèces, erraient dans ces grands pâturages, qui étaient entrecoupés par places de masses de buissons, formant comme des taillis. Je distinguai là des troupeaux d'espèces fort différentes. Je vis des montons dont la laine pendait en longues tresses et qui avaient de longues queues laineuses ; puis des animaux très agiles, avec des cornes comme celles des boucs ; ils étaient grands comme des veaux ; d'autres étaient de la taille des chevaux qui courent ici en liberté dans les prairies. Je vis aussi des troupes de chameaux et d'animaux de même espèce avec deux bosses. Dans un endroit, je vis dans une enceinte fermée quelques éléphants blancs et tachetés ; ils étaient apprivoisés et servaient pour les usages domestiques.

Cette vision fut interrompue trois fois, parce que mon attention fut appelée d'un autre côté, et j'y revins toujours à différentes reprises.

Ces troupeaux et ces pâturages me parurent appartenir à un des rois mages alors en voyage ; je crois que c'était à Mensor et à sa famille. Ils étaient confiés aux soins de bergers subalternes, qui portaient des jaquettes tombant jusqu'aux genoux, à peu près de la forme des habits de nos paysans, si ce n'est qu'elles étaient plus étroites.

Quand, après la dernière interruption, je revins à cette contrée de pâturages, il était nuit.

Un profond silence régnait partout. La plupart des bergers dormaient sous les petites tentes ; quelques-uns seulement veillaient et erraient ça et là autour des troupeaux, lesquels étaient endormis et parqués, suivant leur espèce, dans de grandes enceintes séparées.

Pour moi, je regardais avec attendrissement ces troupeaux dormant en paix, en pensant qu'ils appartenaient à des hommes qui, cessant de contempler les immenses pâturages azurés du ciel, semés d'innombrables étoiles, étaient partis à l'appel de leur Créateur tout-puissant, reconnaissant en lui leur pasteur, comme des troupeaux fidèles, pour suivre sa voix avec plus d'obéissance que les brebis de cette terre ne suivent celle de leurs pasteurs mortels. Et comme je voyais les bergers qui veillaient regarder plus souvent les étoiles du ciel que les troupeaux confiés à leur garde, je me disais à moi-même : ils ont bien raison de tourner des yeux étonnés et reconnaissants vers le ciel où, depuis des siècles, leurs ancêtres, persévérant dans l'attente et la prière, n'ont cessé d'attacher leurs regards. Le bon pasteur qui cherche sa brebis égarée, ne se repose pas qu'il ne l'ait trouvée et rapportée ; ainsi vient de faire le Père qui est dans les cieux, le vrai pasteur de ces innombrables troupeaux d'étoiles répandues dans l'immensité.

Pendant que je méditais ainsi en regardant l'immense plaine, le silence de la nuit fut interrompu par le bruit des pas d'une cavalcade qui arrivait en toute hâte ; c'était une troupe d'hommes montés sur des chameaux. Le cortège, passant le long des troupeaux qui reposaient, se dirigea rapidement vers la tente principale du camp des bergers. Quelques chameaux endormis se réveillaient ça et là et tournaient leurs longs cous vers le cortège. On entendait bêler des agneaux troublés dans leur sommeil ; quelques-uns des arrivants sautaient à bas de leurs montures et réveillaient les bergers dormant dans les tentes. Les plus voisins des veilleurs accostaient le cortège. Bientôt tout fut sur pied et en mouvement autour des voyageurs ; on s'entretint en regardant le ciel et en se montrant les étoiles. Ils parlaient d'un astre ou d'une apparition dans le ciel qui avait cessé de se montrer, car moi-même je ne la vis pas.

C'était le cortège de Théokéno, le troisième des rois mages, celui qui demeurait le. plus loin. Il avait vu dans sa patrie le même signe dans le ciel, qu'avaient vu d'autres, et il s'était aussitôt mis en route. Il demandait maintenant combien Mensor et Saïr devaient avoir d'avance sur lui, et si l'on pouvait encore voir l'étoile qu'ils avaient prise pour guide. Quand il eut reçu les informations nécessaires, le cortège continua son voyage sans s'arrêter plus longtemps. Cet endroit était celui où les trois rois, qui demeuraient fort loin les uns des autres, avaient coutume de se réunir pour observer les astres, et la tour, en forme de pyramide, au haut de laquelle il' faisaient leurs observations, était dans le voisinage. Théokéno était celui des trois qui demeurait le plus loin. Il habitait au delà du pays dans lequel Abraham avait d'abord vécu, et à l'entour duquel tous les trois étaient établis.

 

 

Mardi 27 novembre (14 Kislev) de l'an -5

 

Visite des envoyés de sainte Anne.

(Le mardi, 27 novembre.) Je vis aujourd'hui une scène très touchante dans la grotte de la Crèche. Joseph et Marie se tenaient près de la crèche et regardaient l'Enfant-Jésus avec un profond attendrissement. Tout à coup l'âne se jeta sur ses genoux et courba sa tête jusqu'à terre. Marie et Joseph versèrent des larmes.

Le soir, il vint un message de la part de sainte Anne. Un homme âgé vint de Nazareth avec une veuve, parente d'Anne et qui la servait. Ils apportaient différents petits objets pour Marie. Ils furent extraordinairement touchés à la vue de l'enfant. Le vieux serviteur versa des larmes de joie. Il se remit bientôt en route pour porter des nouvelles à sainte Anne. La servante resta près de la sainte Vierge.

 

Les cortèges des trois rois mages se rejoignent.

(Dans la nuit du 27 au 28 novembre.) Quand la sœur Emmerich communiqua, en 1821, ces visions sur le voyage des trois rois, elle avait déjà raconté toute la période de la prédication de Jésus. Elle avait vu entre autres choses le Sauveur se retirer au delà du Jourdain, après la résurrection de Lazare, et, pendant une absence de seize semaines, faire une visite aux rois mages, qui, à leur retour de Bethléhem, s'étaient établis ensemble dans un pays plus voisin que le leur de la terre promise. Mensor et Théokéno vivaient encore ; mais, lors du voyage de Jésus, Saïr, le roi basané, était mort. Il a paru nécessaire d'instruire le lecteur de ces événements, postérieurs de trente-trois ans, mais racontés précédemment, afin de rendre intelligibles certaines choses qui y font allusion dans le récit qui suit.

Dans la nuit du 27 au 28 novembre, je vis à l'aube du jour le cortège de Théokéno rejoindre celui de Mensor et de Saïr dans une ville en ruine. Il y avait là de longues rangées de hautes colonnes isolées. Les portes étaient surmontées de tours carrées à moitié écroulées. Il s'y trouvait de grandes et belles statues ; elles n'étaient pas raides comme celles de l'Egypte, mais elles avaient de belles attitudes qui leur donnaient l'air vivant. Le pays était sablonneux, et il y avait beaucoup de rochers. Dans les ruines de cette ville abandonnée étaient établis des gens qui avaient l'air de bandits ; ils n'étaient vêtus que de peaux de bêtes jetées sur le corps, et ils étaient armés d'épieux. Ils avaient la peau basanée ; ils étaient petits et trapus, mais singulièrement agiles.

Il me semblait avoir été déjà dans cet endroit, peut-être lors de ces voyages que je fis en songe à la montagne des prophètes et aux bords du Gange.

Les trois cortèges se trouvant réunis, ils quittèrent cette ville de grand matin pour continuer leur voyage en toute bâte, et beaucoup de pauvres habitants de ce lieu se joignirent à eux, attirés par la libéralité des trois rois. Ils allèrent à une demi-journée plus loin, et firent là une halte.

Après la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'apôtre saint Jean envoya deux disciples, Saturnin et Jonadab, le demi frère de saint Pierre, annoncer l'Evangile dans cette ville ruinée.

Je vis les trois rois ensemble. Le dernier arrivé, Théokéno, avait le teint tirant sur le jaune ; je le reconnus pour celui qui, trente-deux ans plus tard, était malade dans sa tente, lorsque Jésus visita les rois mages dans leur établissement voisin de la terre promise. Chacun des trois rois avait avec lui quatre proches parents ou amis intimes, de sorte qu'il y avait en tout dans le cortège quinze personnes de haut rang, accompagnées d'une foule de conducteurs de chameaux et de serviteurs. Parmi plusieurs jeunes gens de ce cortège, qui étaient à peu prés nus jusqu'à la ceinture, et qui pouvaient sauter et courir avec une agilité extraordinaire, je reconnus Éléazar, qui, plus tard, devint martyr, et dont j'ai une relique.

Elle vit les trois rois passer par cette ville le jour de la fête de saint Saturnin, duquel elle possédait une relique ; c'est ce qui lui fit remarquer les relations du saint avec cet endroit. Plus tard, l'écrivain lut dans la légende de saint Saturnin qu'il avait prêché l'Evangile en Asie, jusque dans la Médie.

Dans l'après-midi, comme son confesseur lui demandait encore le nom des trois rois, elle répondit : Mensor le brun, baptisé par saint Thomas après la mort du Sauveur, reçut au baptême le nom de Léandre. Théokéno, le jaune, qui était malade lors du passage de Jésus en Arabie, fut baptisé par le même saint Thomas sous le nom de Léon. Le plus basané, qui était déjà mort lors de la visite du Sauveur, s'appelait Séir ou Saïr. Son confesseur lui demanda :

" Comment donc celui-ci fut-il baptisé " ?

Elle ne se déconcerta pas, et dit en souriant :

"Il était déjà mort, et avait eu le baptême de désir ".

Le confesseur lui dit alors :

" Je n'ai jamais entendu ces noms : comment s'accordent-ils avec ceux de Gaspard, Melchior et Balthazar " ?

Elle répondit :

" On les a ainsi nommés parce que cela se rapporte à leur caractère, car ces mots signifient :
1, il va avec amour ;
2, il erre tout autour, il va en caressant, il s'approche doucement ;
3, il saisit promptement avec sa volonté, il unit promptement sa volonté à la volonté de Dieu ".

Elle dit cela d'un air très gracieux et indiqua la signification de ces noms par une espèce de pantomime en remuant sa main sur la couverture de son lit. C'est aux orientalistes a dire jusqu'à quel point ces trois noms peuvent être interprétés de cette manière.

 

Mercredi 28 novembre (15 Kislev) de l'an -5

 

Visite d'émissaires d'Hérode.

(Le mercredi, 28 novembre.) Je vis aujourd'hui la Sainte Vierge avec l'Enfant-Jésus et la servante quitter la grotte de la Crèche pendant quelques heures.

A ceci se rapporte ce qu'elle dit le 29-30 décembre 1820 :

Je vis aujourd'hui Marie avec l'Enfant-Jésus dans une autre grotte que je n'avais pas remarquée auparavant. Elle s'ouvrait dans l'entrée à gauche, près de l'endroit où Joseph faisait le feu. On descendait un peu sur un étroit passage assez incommode. La lumière y pénétrait par des trous faits dans la voûte. Marie était assise près de l'Enfant-Jésus qui était devant elle sur une couverture. Elle s'était retirée là pour se dérober a certaines visites. Je vis plusieurs personnes prés de la crèche, Joseph leur parla.

Je la vis se cacher dans la grotte latérale où avait jailli une source après la naissance de Jésus-Christ. Elle resta environ quatre heures dans cette grotte, où plus tard elle passa deux jours. Joseph, dès le point du jour, l'avait arrangée pour qu'elle pût s'y tenir sans trop d'incommodité.

Ils allèrent là par suite d'un avertissement intérieur, car quelques personnes vinrent aujourd'hui de Bethléhem à la grotte de la Crèche. Je crois que c'étaient des émissaires d'Hérode. Par suite des propos des bergers, le bruit s'était répandu que quelque chose de miraculeux avait eu lieu en cet endroit, lors de la naissance d'un enfant. je vis les hommes échanger quelques paroles avec saint Joseph, qu'ils trouvèrent devant la grotte avec les bergers, et le quitter en ricanant lorsqu'ils eurent vu sa pauvreté et sa simplicité. La sainte Vierge, après être restée environ quatre heures dans la grotte latérale, revint à la crèche avec l'Enfant-Jésus.

La grotte de la Crèche jouit d'une aimable tranquillité. Il n'y vient personne de Bethléhem ; les bergers seuls sont en rapport avec elle. Du reste, on ne s'inquiète guère, à Bethléhem, de ce qui s'y passe, car il y a beaucoup de mouvement et d'agitation dans la ville, à cause du grand nombre d'étrangers qui s'y trouvent. On vend et on tue beaucoup d'animaux, parce que plusieurs arrivants payent leur impôt en bétail ; il y a aussi beaucoup de païens qui sont employés comme domestiques.

Ce soir, la sœur étant endormie dit tout à coup :

" Hérode a fait mourir un homme pieux qui avait un emploi important au temple. Il l'a fait inviter amicalement à venir le trouver à Jéricho et l'a fait assassiner en route. Cet homme s'opposait aux empiétements d'Hérode dans le temple. On accuse Hérode de ce meurtre, mais cela ne fait qu'augmenter son influence dans le temple ".

Elle dit ensuite qu'Hérode avait fait donner à deux de ses bâtards deux emplois considérables dans le temple, qu'ils étaient saducéens, et que tout ce qui s'y passait lui était révélé par eux.

 

Poursuite du voyage des rois mages.

(Le 28 novembre.) Une demi journée au delà de la ville en ruine où se trouvaient tant de colonnes et de figures de pierre, je crus rencontrer pour la première fois le cortège réuni des trois rois mages. C'était dans un pays assez fertile. On voyait ça et là des habitations de bergers construites en pierres blanches et noires Le cortège arriva dans la plaine à un puits, dans le voisinage duquel se trouvaient plusieurs hangars spacieux. Il y en avait trois au milieu et plusieurs autres alentour. C'était comme des lieux de repos pour les voyageurs.

Le cortège entier était divisé en trois groupes : dans chacun d'eux se trouvaient cinq personnages de distinction, et parmi ceux-ci le chef et le roi, qui, comme un père de famille, ordonnait tout, réglait tout et faisait les parts. Chacun de ces trois groupes se composait d'hommes dont je visage était de couleur différente. La tribu de Mensor avait le teint d'un brun agréable, celle de Saïr était d'un brun plus foncé ; celle de Théokéno avait un teint éclatant tirant sur le jaune. Je ne vis personne d'un noir brillant, à l'exception de quelques esclaves.

Les principaux personnages étaient assis sur leurs bêtes de somme, entre des paquets recouverts de tapis. Ils avaient des bâtons à la main. Ils étaient suivis d'autres bêtes grandes à peu près comme des chevaux, sur lesquelles étaient des serviteurs et des esclaves au milieu du bagage. Quand ils furent arrivés, ils descendirent, déchargèrent entièrement les animaux et les firent boire au puits. Celui-ci était entouré d'un petit terrassement sur lequel était un mur avec trois entrées ouvertes. Dans cette enceinte se trouvait le réservoir d'eau, qui était placé un peu plus bas. L'eau sortait par trois conduits fermés avec des chevilles. Le réservoir était fermé par une espèce de couvercle ; il fut ouvert par un homme de la ville en ruine qui s'était joint au cortège. Ils avaient des outres de cuir séparées en quatre compartiments, où quatre chameaux pouvaient boire à la fois quand elles étaient remplies d'eau. Ils étaient si soigneux en ce qui concernait l'eau, qu'ils n'en laissaient pas perdre une goutte ; les bêtes furent ensuite installées dans des enceintes découvertes qui se trouvaient près du puits, et où chacune avait sa place à part. Elles avaient là devant elles des auges de pierre où on leur fit manger d'un fourrage qu'elles portaient avec elles. C'étaient des grains gros à peu près comme des glands (peut-être des fèves). Dans le bagage se trouvaient aussi de grandes cages suspendues aux flancs des bêtes de somme, et où se trouvaient de, oiseaux de diverses espèces, gros à peu près comme des pigeons ou des poulets, ils en mangeaient pendant le voyage. Ils avaient dans des boites de cuir des pains d'égale grandeur, semblables à des tablettes pressées les unes contre les autres. Ils portaient avec eux des vases précieux d'un métal Jaune, couverts d'ornements et de pierres fines, lesquels avaient à peu près la forme de nos vases sacrés, tels que calices, patènes, etc. Ils s'en servaient pour boire et pour présenter les aliments. Le bords de ces vases étaient le plus souvent ornés de pierres rouges.

Les tribus n'étaient pas tout à fait habillées de la même manière. Théokéno et sa famille, aussi bien que Mensor, portaient sur la tête une sorte de calotte élevée, autour de laquelle était roulée une bande d'étoffe blanche ; leurs tuniques descendaient jusqu'aux jarrets ; elles étaient très simples et avaient à peine quelques ornements sur la poitrine ; ils avaient des manteaux légers, amples et très longs, qui traînaient par derrière. Sair, le basané, et sa famille, portaient des bonnets avec une coiffe ronde, brodée de diverses couleurs, et un petit bourrelet blanc ; ils avaient des manteaux plus courts, et là-dessous des tuniques boutonnées descendant jusqu'aux genoux, chamarrées de lacets, de boutons reluisants et d'autres ornements ; sur l'un des côtés de leur poitrine, se trouvait une plaque brillante de la forme d'une étoile. Tous avaient les pieds nus, posant sur des semelles assujetties avec des cordons qui entouraient le bas des jambes. Les principaux d'entre eux avaient à la ceinture des sabres courts ou de grands coutelas ; ils y portaient aussi des bourses et de petites boites. Il y avait là des hommes de cinquante ans, de quarante, de trente et de vingt ; les uns avaient une longue barbe, les autres la portaient plus courte. Les serviteurs et les chameliers étaient vêtus beaucoup plus simplement ; plusieurs n'avaient sur eux qu'une pièce d'étoffe ou une vieille couverture.

Quand les bêtes furent désaltérées et parquées, et quand eux-mêmes eurent bu, ils firent du feu au milieu du hangar sous lequel ils s'étaient établis ; ils se servirent pour cela de morceaux de bois d'environ deux pieds et demi de long, que les pauvres gens du pays avaient apportés en fagots, lesquels paraissaient préparés d'avance pour l'usage des voyageurs ; ils en firent une espèce de bûcher de forme triangulaire, laissant sur le côté une ouverture pour donner de l'air ; c'était très habilement arrangé. Je ne sais pas bien comment ils se procurèrent du feu ; je vis qu'on mit un morceau de bois dans un autre où l'on avait fait un creux, et qu'on le fit tourner quelque temps ; après quoi on le retira allumé. Ils firent ainsi leur feu, et je les vis tuer quelques oiseaux et les faire rôtir.

Les trois rois et les plus âgés firent chacun pour sa tribu ce que fait un père de famille dans sa maison ; ils firent les parts et présentèrent à chacun la sienne ; ils placèrent les oiseaux découpés sur de petites patènes ou assiettes, et les firent passer à la ronde ; ils remplirent aussi les coupes et donnèrent à boire à chacun. Les serviteurs subalternes, parmi lesquels étaient des nègres, étaient assis par terre sur une couverture ; ils attendaient patiemment leur tour et recevaient aussi leur part. Je pense que c'étaient des esclaves.

Combien sont touchantes la bonté et la simplicité naïve de ces excellents rois ! ils donnent de tout ce qu'ils ont aux gens qui sont venus avec eux ; ils leur portent même les vases d'or à la bouche, et les font boire comme des enfants.

J'ai appris aujourd'hui beaucoup de choses sur les saints rois, notamment les noms de leurs pays et de leurs villes, mais j'ai presque tout oublié. Je dirai ce que j'ai retenu.

Mensor, le brun, était Chaldéen ; sa ville avait un nom comme Acaiaia ; elle était entourée d'un fleuve et comme sur une île. Il résidait habituellement dans la plaine, près de ses troupeaux. Saïr, le basané, était déjà auprès de lui tout prêt à partir, la nuit de la Nativité. Je me souviens que son pays avait un nom qui ressemblait à Partherme. (C'est peut-être le nom de Parthiène ou de Parthomaspe défiguré.) Un peu au-dessus de ce pays se trouvait un lac. Lui et sa tribu étaient de couleur très foncée mais avec les lèvres rouges. Les autres gens qui étaient avec eux étaient blancs. Il n'y avait qu'une ville, à peu près grande comme Munster.

L'écrivain trouva, en 1839, par conséquent dix-huit ans après cette mention d'Acaiaia, l'indication suivante dans le Dictionnaire des écoles industrielles de Franke : "Achaiacula, forteresse sur les iles de l'Euphrate en Mésopotamie." (Ammian., 2 i-2.) Nous désirons qu'on puisse établir une relation entre ces noms.

Théokéno, le blanc, venait de Médie, pays situé plus haut, entre deux mers ; il habitait sa ville, dont j'ai oublié le nom. Elle était composée de tentes dressées sur des fondements en pierres. Je pense que Théokéno, qui était le plus riche des trois, et celui qui avait renoncé à plus de choses, aurait pu se rendre à Bethléhem par une voie plus directe, et qu'il avait fait un détour pour se réunir aux autres. Il me semble presque qu'il avait dû passer près de Babylone pour les rejoindre.

Saïr demeurait à trois journées de voyage de l'habitation de Mensor, en évaluant chaque journée à douze lieues. Théokéno était à cinq de ces journées de voyage. Mensor et Saïr se trouvaient réunis chez le premier, lorsqu'ils virent l'étoile qui annonçait la naissance de Jésus. Ils s'étaient mis en route le jour suivant. Théokéno vit chez lui la même apparition ; il partit en toute hâte pour rejoindre les deux autres et les rencontra dans la ville en ruine.

[J'ai su la longueur de leur voyage jusqu'à Bethléem, voici ce que je m'en rappelle ; le trajet était long de sept cents lieues et encore plus, il y avait un six dans le chiffre. Ils devaient effectuer le voyage en quelques soixante journées de douze heures chacune, mais grâce à la célérité de leurs montures et au fait qu'ils voyagèrent souvent jour et nuit, ils l'accomplirent en trente-trois jours à peine.]

L'étoile qui les conduisait était comme un globe rond, et la lumière en sortait comme d'une bouche. (Cette expression peut s'être présentée à elle, parce qu'elle voyait souvent de la lumière sortir de la bouche du Seigneur et de celle des saints.) Il me semblait toujours que ce globe était comme suspendu à un fit lumineux et dirigé par une main. Pendant la journée je voyais au-devant d'eux un corps brillant dont la clarté surpassait celle du jour. Quand je considère la longueur du voyage, je suis étonnée de la vitesse avec laquelle ils le firent ; mais les animaux qu'ils montaient avaient un pas si léger et si égal, que leur marche me paraissait ordonnée, rapide et uniforme comme le vol d'une bande d'oiseaux de passage. Les pays des trois rois formaient ensemble comme un triangle.

Le cortège étant resté jusqu'au soir dans l'endroit où je l'avais vu s'arrêter, les gens qui s'y étaient joints aidèrent à recharger les bêtes de somme, et emportèrent chez eux différentes choses qui avaient été laissées là par les voyageurs. La nuit tombait lorsque ceux-ci se mirent en route. L'étoile était visible ; elle jetait une lueur rougeâtre comme la lune lorsqu'il fait grand vent. Ils marchèrent quelque temps près de leurs montures, la tête découverte, et ils firent des prières. Le chemin ici était tel qu'on ne pouvait pas aller vite. Plus tard, quand il devint uni, ils remontèrent sur leurs bêtes, qui avaient une allure très rapide. Quelquefois ils allaient lentement, et alors ils entonnaient tous ensemble, à travers la nuit, des chants singulièrement expressifs et touchants.

 

Jeudi 29 novembre (16 Kislev) de l'an -5

 

Visite des gens de la vallée à la grotte de la Crèche.

(Le jeudi, 29 novembre) Le matin, l'hôte de la dernière auberge où la sainte Famille avait passé la nuit, a envoyé à la grotte de la Crèche un serviteur avec des présents. Lui-même est venu dans la journée pour rendre ses hommages à l'enfant. L'apparition de l'ange aux bergers à l'heure de la naissance de Jésus est cause que tous les braves gens des vallées ont entendu parler du merveilleux enfant de la promesse ; ils viennent maintenant pour honorer l'enfant [, comme pour faire oublier qu'on ne l'a pas accueilli].

 

Cortèges des rois mages.

(Du 29 novembre au 2 décembre.) Dans la nuit du 29 au 30 novembre, je me trouvai de nouveau prés du cortège des trois rois.

Ils s'avancent toujours dans la nuit, suivant l'étoile qui, en ce moment, semble toucher la terre de sa longue queue lumineuse. Ils la regardent avec une joie tranquille, descendent de leurs montures et s'entretiennent ensemble. Quelquefois ils chantent alternativement de courtes sentences sur un air lent et expressif, dont les notes sont tantôt très hautes, tantôt très basses. Il y a quelque chose d'extrêmement touchant dans ces mélodies qui interrompent le silence de la nuit, et j'ai le sentiment de tout ce qu'ils chantent. Le cortège s'avance dans une belle ordonnance ; c'est d'abord un grand chameau portant de chaque côté des coffres sur lesquels sont étendus de larges tapis ; en haut est assis un des chefs, avec son épieu à la main et un sac auprès de lui. Puis viennent des animaux plus petits, comme des chevaux ou des ânes de haute taille, et sur eux, entre les bagages, les hommes qui dépendent de ce chef. Puis, vient un autre chef sur un chameau, etc. Ces animaux marchent légèrement, quoique à grand pas, et ils posent le pied avec précaution. Leur corps ne remue pas ; leurs pieds seuls sont en mouvement. Les hommes sont aussi calmes que s'ils n'avaient à s'occuper de rien. Tout cela est si tranquille et si doux ! c'est comme un songe paisible.

Je ne puis m'empêcher de faire une réflexion frappante sur ce que je vois. Ces bonnes gens ne connaissent pas encore le Seigneur, et ils vont à lui avec tant d'ordre, de paix et de bonne grâce ! tandis que nous, qu'il a délivrés et comblés de ses bienfaits, nous sommes si désordonnés et si irrévérencieux dans nos processions.

[Je crois que la région qu'ils traversèrent cette nuit est la contrée qui s'étend entre Atom et le palais de cet homme idolâtre auprès de qui j'ai vu Jésus au terme de la troisième année de sa vie publique, quand il se rendit en Egypte après avoir traversé l'Arabie.]

 

Vendredi 30 novembre (17 Kislev) de l'an -5

 

Visite d'un parent de Joseph, père de Jonadab.

(Le vendredi, 30 novembre.) Aujourd'hui plusieurs bergers et d'autres braves gens vinrent à la grotte de la Crèche et honorèrent l'Enfant-Jésus avec beaucoup d'émotion. Ils étaient en habits de fête et allaient à Bethléhem pour le sabbat. Parmi ces gens, je vis la femme qui, le 20 novembre, avait réparé la grossièreté de son mari envers la sainte Famille en lui offrant l'hospitalité Elle aurait pu aller pour le sabbat à Jérusalem qui était près de chez elle ; mais elle fit un détour jusqu'à Bethléhem, pour voir le saint enfant et ses parents. Elle se sentit tout heureuse de leur avoir donné cette marque d'affection.

Je vis aussi, dans l'après-midi, un parent de saint Joseph près de la demeure duquel la sainte Famille avait passé la nuit le 22 novembre, venir à la crèche et saluer l'enfant. C'était le père de Jonadab, qui, lors du crucifiement, porta à Jésus un drap pour se couvrir. Il avait su que Joseph avait passé près de chez lui et avait entendu parler des miracles qui avaient signalé la naissance de l'enfant ; et comme il allait à Bethléhem pour le sabbat, il était venu à la crèche porter des présents. Il salua Marie et rendit hommage à l'Enfant-Jésus. Joseph le reçut très amicalement, mais il ne voulut rien recevoir de lui ; seulement il lui emprunta de l'argent et lui remit en gage la jeune Anesse, à condition de pouvoir la reprendre quand il le rembourserait. Joseph avait besoin de cet argent à cause des présents à faire et du repas à donner lors de la cérémonie de la circoncision de l'enfant.

Comme je méditais sur cette jeune ânesse, mise en gage pour fournir aux frais de la circoncision, et que je pensais que dimanche prochain, jour où aura lieu cette cérémonie, on lirait l'Evangile du dimanche des Rameaux (en allemand et en latin dimanche des Palmes), qui raconte l'entrée à Jérusalem de Jésus, monté sur un âne, je vis le tableau suivant, mais je ne sais plus où je le vis, et je ne puis plus bien m'en expliquer le sens. Je vis sous un palmier deux écriteaux tenus par des anges. Sur l'un je vis représentés divers instruments de martyre, et au milieu une colonne sur laquelle était un mortier avec deux anses ; sur l'autre écriteau se trouvaient des lettres ; je crois que c'étaient des chiffres indiquant des années et des époques de l'histoire de l'Église. Au-dessus du palmier était agenouillée une vierge qui semblait sortir de sa tige et dont la robe flottait autour d'elle. Elle tenait dans ses mains, au-dessous de la poitrine, un vase de la forme du calice de la sainte cène, duquel sortait une figure d'enfant lumineux. Je vis ensuite le Père éternel sous la forme où il m'est montré ordinairement, s'approcher du palmier sur des nuées, en détacher une grosse branche qui avait la figure d'une croix et la placer sur l'enfant. Je vis aussitôt l'enfant comme attaché à cette croix de palmier, et la Vierge présenter à Dieu le Père cette branche avec l'enfant crucifié, tandis qu'elle tenait de l'autre main le calice vide, qui m'apparut aussi comme étant son cœur. Comme je voulais lire les lettres qui étaient sur l'écriteau au-dessous du palmier, je fus réveillée par une visite. Je ne sais pas si je vis ce tableau dans la grotte de la Crèche, ou si ce fut ailleurs. On peut comparer cette description avec celle de la figure que les rois mages virent dans les étoiles à l'heure de la naissance de Jésus, et aussi avec les apparitions qui ont été racontées à l'occasion de la présentation de Marie au temple.

 

Préparatifs pour le sabbat.

Quand tout ce monde fut parti pour la synagogue de Bethléhem, Joseph prépara dans la grotte la lampe du sabbat, qui avait sept mèches, l'alluma, et plaça au-dessous une petite table sur laquelle étaient les rouleaux qui contenaient les prières. Ce fut sous cette lampe qu'il célébra le sabbat avec la sainte Vierge et la servante de sainte Anne. Deux bergers se tenaient un peu en arrière de la grotte. Des Esséniennes étaient aussi là.

Aujourd'hui, avant le sabbat, les Esséniennes et la servante préparèrent des aliments. J'ai vu qu'elles faisaient rôtir des oiseaux à une broche placée au-dessus du feu. Elles les roulaient aussi dans une espèce de farine faite avec des grains qui viennent en épis sur une plante semblable au roseau ; on la trouve à l'état sauvage dans les endroits humides et marécageux du pays. On la cultive dans plusieurs lieux ; elle vient souvent sans culture près de Bethléhem et d'Hébron ; je ne la vis pas près de Nazareth. Les pâtres de la tour des bergers en avaient apporté à Joseph. Je vis ces femmes faire aussi avec les grains une espèce de crème blanche assez épaisse et pétrir des gâteaux avec la farine. [Sous le foyer, il y avait des trous brûlants, bien propres, dans lesquels on mettait à cuire la volaille et les pâtisseries.]

La sainte Famille ne garda pour son usage qu'une très petite quantité des nombreuses provisions que les bergers avaient apportées ; le reste fut donné en présents, et surtout distribué aux pauvres.

 

Les rois mages font halte à un puits.

Le vendredi, 30 novembre, je vis le cortège [des rois mages] s'arrêter dans une plaine près d'un puits. Un homme, sorti d'une cabane comme il y en avait plusieurs dans le voisinage, leur ouvrit ce puits. Ils abreuvèrent leurs bêtes, et firent une courte halte sans les décharger.

 

Samedi 1er décembre (18 Kislev) de l'an -5

 

Préparatifs pour la circoncision de Jésus.

(Le samedi, 1er décembre.) Je vis aujourd'hui, dans l'après-midi. plusieurs personnes venir à la grotte de la Crèche, et le soir, après la clôture du sabbat, je vis les Esséniennes et la servante de Marie apprêter un repas dans une cabane de feuillage devant l'entrée de la grotte. Joseph l'avait dressée avec l'aide des bergers. Il avait aussi vidé la chambre située dans l'entrée de la grotte, y avait étendu des couvertures par terre, et avait tout arrangé comme pour une fête, autant que le comportait sa pauvreté. Il avait ainsi disposé les choses avant l'ouverture du sabbat ; car le lendemain était le huitième jour depuis la naissance du Christ, lequel devait être circoncis ce jour-là, conformément au précepte divin.

Joseph était allé vers le soir à Bethléhem, et il en avait ramené trois prêtres, un homme âgé et une femme qui paraissait une sorte de garde ou d'assistante, employée ordinairement dans cette cérémonie. Elle apportait un siège dont on se servait en pareille circonstance, et une pierre plate, fort épaisse et de forme octogone, où se trouvaient les objets nécessaires. Tout cela fut placé sur des nattes, à l'endroit où la cérémonie devait se faire, c'est-à-dire dans l'entrée de la grotte, entre le réduit de saint Joseph et le foyer ; le siège était un coffre avec des espèces de tiroirs, qui, mis à la suite les uns des autres, formaient comme un lit de repos avec un appui d'un côté ; on y était plutôt étendu qu'assis. La pierre octogone avait plus de deux pieds de diamètre, au milieu était une cavité également octogone, recouverte d'une plaque de métal, et où se trouvaient, dans des compartiments séparés, trois boîtes et un couteau de pierre. Cette pierre fut placée à côté du siège, sur un petit escabeau à trois pieds, qui jusqu'alors était toujours resté sous une couverture à la place où était né le Sauveur

Quand on eut fait ces arrangements, les prêtres saluèrent la sainte Vierge et l'Enfant-Jésus ; ils s'entretinrent amicalement avec Marie, et ils prirent dans leurs bras l'enfant, dont la vue les toucha. Ensuite le repas eut lieu dans la cabane de feuillage ; une quantité de pauvres gens, qui avaient suivi les prêtres, comme il arrivait toujours dans de semblables occasions, entourèrent la table, et, pendant le repas, reçurent des présents de Joseph et des prêtres, en sorte que tout fut bientôt distribué. Je vis le soleil se coucher ; son disque paraissait plus grand qu'il ne parait dans notre pays. Je le vis s'abaisser à l'horizon ; ses rayons pénétraient jusque dans la grotte par la porte ouverte.

 

Poursuite du voyage des rois mages.

Le samedi, 1er décembre, je vis le cortège [des rois mages] qui avait suivi hier un chemin montant sur un plateau élevé. A leur droite étaient des montagnes, et il me sembla qu'à l'endroit où le chemin descendait, ils s'approchèrent d'une contrée où se trouvaient fréquemment des habitations, des arbres et des fontaines. Il me sembla que c'était le pays de ces gens que j'avais vus l'année dernière et récemment encore filer et tisser du coton. [Ils avaient tendu les fils entre des arbres et confectionnaient de grands panneaux de toile.] Ils adoraient des images de taureaux. Ils offrirent libéralement des aliments à la troupe nombreuse qui suivait le cortège ; mais ils ne se servaient plus des plats dans lesquels ceux-ci avaient mangé, ce dont je fus surprise.

 

Remarque sur les textes supplémentaires d'après Joachim BOUFLET

Entre crochets [...] et de couleur bleu clair sont ajoutés au texte original de la traduction française de "VIE DE LA SAINTE VIERGE MARIE, MERE DE JESUS." (Publiée en 1854, Traduction de l'Abbé DE CAZALES) des extraits de "LA VIE DE LA VIERGE MARIE. Traduit par Joachim BOUFLET" publiée aux Presses de la Renaissance (2006).

En effet, d'après Joachim BOUFLET, l'Abbé DE CAZALES a écarté de sa traduction française divers passages du texte original allemand de 1852. Ces passages manquants sont ainsi restaurés dans son livre. Quelques-uns figurent dans ces pages.

Un grand merci à Joachim BOUFLET pour le dévoilement de ces extraits inédits en français jusqu'en 2006.

 

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Avertissement

Il est important de préciser à propos des visions de la bienheureuse Anne Catherine Emmerich qu'elles relèvent d'un don gratuit et que béatifier une mystique n'équivaut pas à une reconnaissance officielle de ses visions qui prendraient alors un caractère dogmatique. Elles sont reconnues certes comme n'allant pas à l'encontre du magister de l'Eglise et pouvant servir à certains mais n'ont pas de caractère obligatoire.

 

Remerciements:

Le site https://www.livres-mystiques.com/ réalisé par le regretté Roland Soyer rend accessibles les éditions du XIXème siècle des visions d'Anne Catherine Emmerich (Traduction de l'Abbé DE CAZALES, Chanoine de Versailles, AMBROISE BRAY, Libraire Éditeur)

Le site de l'Alliance biblique française https://lire.la-bible.net/ qui permet de lire la Bible en ligne, notamment la Traduction Œcuménique de la Bible (2010). Pour vous procurer une Bible imprimée, rendez-vous sur www.editionsbiblio.fr

Joachim BOUFLET pour son livre "La vie de la Vierge Marie." publié aux Presses de la Renaissance (2006). Connue sous le nom des Presses de la Renaissance, la collection « Renaissance » intègre les éditions Plon en octobre 2021.

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